Le mot du Président : mai 2022
Naomi Klein, journaliste altermondialiste canadienne a publié en 2007 un livre s’intitulant : « La stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre ».
La thèse centrale de cet ouvrage est que pour réussir à imposer des politiques impopulaires de libre marché, les responsables politiques exploitent le choc psychologique causé par des désastres environnementaux, militaires ou économiques, les populations apeurées, sidérées et confiantes étant alors plus facilement portées à accepter des mesures difficiles et impopulaires.
Vous voyez peut-être ou je veux en venir : notre gouvernement a appliqué ce principe pendant l’épidémie pour nous faire porter des masques à la plage ou remplir des attestations stupides. Mais il a fait plus fort : il a utilisé les contraintes mises en place pendant la pandémie pour faire passer des mesures sans rapport avec le Covid : augmentation des pouvoirs dérogatoires des préfets, restriction du droit de manifester ou simplification des procédures d’implantations d’antennes de téléphonie, par exemple.
Maintenant c’est le drame ukrainien qui est bien utile : Au nom de la « résilience » et de « la construction d’une autonomie stratégique et énergétique européenne », le gouvernement a annoncé le 17 mars dernier une nouvelle série de mesures visant à simplifier le droit de l’environnement : « Il faut accélérer pour raccourcir nos délais et permettre le déploiement plus rapide des projets de production d’énergie ou d’intrants critiques sur notre sol », a déclaré le 1er ministre Castex, en présentant le plan de résilience français face à la guerre contre l’Ukraine. « Qu’il s’agisse du nickel, de l’aluminium, du cuivre, du titane, mais aussi des intrants critiques nécessaires aux secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire. »
Il s’agit à nouveau de renforcer le rôle des préfets, et notamment de nommer un sous-préfet à l’investissement dans chaque région, régulièrement dénoncé par les APNE, estimant qu’ils privilégient l’activité économique au détriment de la protection de l’environnement.
Par ailleurs, les inventaires faune/flore pourraient être « simplifiés ». Cela devrait se traduire par « la suppression de l’obligation de conduire cet inventaire sur une année entière lorsqu’elle n’apparaît pas justifiée ». « N’apparaît pas justifiée ??? »…
Le gouvernement souhaite un « travail technique » pour raccourcir les procédures en menant plusieurs étapes en même temps : la consultation du public pourrait commencer plus tôt, et être menée en parallèle de l’instruction du dossier technique.
Enfin, et exactement selon le même principe de la stratégie du choc : La guerre en Ukraine entraîne une hausse des prix du blé, du maïs et des huiles végétales qui menace certains pays fortement importateurs, autour de la méditerranée et en Afrique sub-saharienne. En France et en Europe, la profession agricole et de nombreux responsables politiques évoquent une « responsabilité nourricière » envers ces pays qui exigerait de relancer chez nous la production agricole – conventionnelle, s’entend bien. Les préoccupations environnementales et sanitaires devraient être mises entre parenthèses au nom de la sécurité alimentaire mondiale. Il s’agit ni plus ni moins que de la mise en culture des friches et autres surfaces dédiées à la biodiversité.